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De plus en plus d’éleveurs s’intéressent à la notion de stress thermique chez leurs animaux. C’est une condition essentielle pour améliorer leur bien-être, leur santé et leurs performances. Mais il est aussi nécessaire de sensibiliser le grand public, pour éviter les jugements hâtifs fondés sur une vision anthropomorphique : non, un animal dehors en hiver n’est pas forcément en souffrance. À l’inverse, un animal au pré en plein été peut l’être, sans que cela ne se voie au premier coup d’œil.
L’anthropomorphisme, c’est cette tendance à attribuer à un animal des émotions ou des besoins humains. Par exemple, nous avons froid à 5 °C, alors nous imaginons qu’une vache ou un mouton aussi. Pourtant, ces ruminants peuvent être adaptés à vivre dehors, même en hiver. À l’inverse, certains signes de mal-être liés à la chaleur nous échappent, car ils sont très différents de nos propres signaux d’inconfort.Comprendre les zones de confort thermique des animaux d’élevage est donc essentiel pour adapter la conduite du troupeau, rassurer nos concitoyens et mieux anticiper les périodes à risque.
Des animaux rustiques… mais pas invincibles
Chez les ruminants, on parle de zone de neutralité thermique (ZNT) : c’est l’intervalle de température dans lequel l’animal n’a ni à produire de chaleur pour se réchauffer, ni à mobiliser des mécanismes pour se refroidir. C’est dans cette zone que l’animal est au mieux de ses capacités productives.
Des zones de confort variables selon les espèces, les races, le stade physiologique, l’état de santé, le niveau de production (par exemple, une vache laitière haute productrice est plus sensible à la chaleur), la race, la tonte (pour les ovins), l’alimentation, l’humidité ambiante et la vitesse du vent :
- Bovins adultes : environ -5 °C à 20 °C
- Jeunes veaux : 7°C à 25°C
- Ovins : environ -5°C °C à 25 °C, parfois un peu plus pour certaines races rustiques
- Caprins : environ 10 °C à 30 °C : plus sensibles au froid que les autres ruminants
Les ruminants ont plusieurs avantages physiologiques qui leur permettent de supporter des températures basses :
- Leur pelage d’hiver (poil ou laine) offre une excellente isolation contre le froid.
- Leur couche de graisse sous-cutanée agit comme un isolant thermique naturel, limitant les pertes de chaleur, en particulier chez les animaux bien nourris ou engraissés.
- Le rumen, véritable radiateur interne, dégage beaucoup de chaleur. Sa température moyenne est d’environ 39 à 40,5 °C, et elle varie peu, mais peut augmenter légèrement après l’ingestion de fourrages fermentescibles, du fait de la chaleur produite par les microbes. C’est un atout en hiver, mais cela peut devenir un inconvénient en été, surtout chez les animaux à rations riches, qui dégagent davantage de chaleur et sont donc plus sensibles au stress thermique en cas de forte chaleur ou de mauvaise ventilation.
- Enfin, les ruminants ajustent leur comportement : en cas de froid, ils peuvent se recroqueviller, limiter leurs déplacements et chercher des abris naturels pour conserver la chaleur.
Les effets du stress thermique sur l’animal
Le stress thermique, c’est ce qui se produit quand la température ambiante sort durablement l’animal de sa ZNT. Il peut être lié au froid ou à la chaleur, mais c’est le stress thermique estival qui pose le plus souvent problème dans nos élevages aujourd’hui, notamment avec l’augmentation des périodes de fortes chaleurs.
Conséquences possibles :
- Comportements anormaux : narines dilatées, halètement, salivation, agitation, regroupement, refus de bouger, respiration par la gueule…
- Diminution de la consommation d’aliments (peut engendrer une baisse de la production ou un amaigrissement).
- Moindre efficacité de reproduction (retours en chaleur, baisse du taux de réussite à l’IA, risques d’avortement).
- Hausse des pathologies (mammites, troubles digestifs, boiteries…).
- Dans les cas extrêmes : hyperthermie, mortalité.
Le bâtiment : attention à l’effet sauna
S’ils n’ont pas été conçus en prenant en compte les contraintes de chaleurs estivales, les bâtiments d’élevage peuvent être de véritables saunas pour les animaux. En effet 4 paramètres vont déterminer « l’ambiance » en bâtiment : la température, l’humidité, la vitesse de l’air et le rayonnement. Ainsi certains bâtiments peuvent aggraver les conditions extérieures si l’orientation, la ventilation, la conception du toit et des ouvertures sont inadaptées. Végétaliser aux abords du bâtiment peut aussi permettre d’apporter ombre et fraicheur. Dans le cas de la plantation d’arbres de haut jet, la gestion des feuilles mortes et des branches sur le toit est à anticiper.
Comment limiter le stress thermique ?
Agir sur le milieu
- Créer ou préserver de l’ombre naturelle : haies, arbres isolés, bosquets…
- Installer des zones d’ombre artificielles dans les paddocks les plus exposés (abris mobiles / remorqués, filets pare soleil…).
- Améliorer l’ambiance en bâtiment : ventilation, toitures isolantes des rayonnements avec des débords suffisants, ouvertures, hauteur suffisante…
- Éviter le surpeuplement dans les pâtures ou les bâtiments.
Agir sur les pratiques
- Si possible : fractionner les rations et adapter l’alimentation en période chaude : limiter les aliments fermentescibles (céréales par exemple), préférer les fibres digestibles.
- Surveiller l’accès à une eau propre, fraîche et abondante, en particulier l’été (jusqu’à 100 litres/jour pour une vache laitière, 20 litres/jour par une brebis en début de lactation en ration sèche par 30°C).
- Limiter les manipulations (parage, pesée, transports…) lors des pics de chaleur.
- Ne pas tondre les ovins avant une vague de froid ou sans abri disponible.
Adapter la sélection
Choisir des races rustiques ou des croisements plus tolérants au stress thermique.
Conclusion
Les ruminants peuvent être bien adaptés à vivre dehors, même en hiver, à condition qu’ils soient en bonne santé, bien nourris, et qu’ils disposent d’un abri naturel ou artificiel contre les intempéries. En revanche, les chaleurs estivales, de plus en plus fréquentes et intenses, peuvent représenter un vrai risque pour leur bien-être et leurs performances.
Acteurs du monde agricole, nous sommes en première ligne pour surveiller les signes de mal-être et adapter les pratiques en conséquence ! Nous sommes aussi les mieux placés pour expliquer au public que le bien-être animal ne se juge pas en se mettant à sa place.