RCN

 

 

 

 

 

 

 

 

Un essai a été mené durant l’hiver 2022-2023 dans le cadre du Programme Reine Mathilde, afin de voir si la conduite des bovins au pâturage en hiver était techniquement faisable. Le pâturage hivernal strict a ainsi été comparé au bale grazing, qui consiste à apporter des balles de foin directement sur la parcelle pour ralentir le pâturage, et à la conduite classique en stabulation (mise en œuvre technique, impact sur la prairie, intérêt économique, charges de mécanisation, temps de travail).
Dans leur stratégie de système économe, Charlène et Thomas, agriculteurs de l’EARL des Champs de Bray ont pour objectif de minimiser leurs charges. La réduction de la mécanisation est un des leviers mobilisés pour la réalisation de cet objectif. C’est pourquoi la valorisation de l’herbe pâturée revêt une importance particulière à la ferme. Cette idée, couplée à un besoin d’adaptation au changement climatique, est à l’origine de l’intérêt qu’ils portent au pâturage hivernal. En effet, les étés de plus en plus secs et chauds rendent le pâturage estival plus compliqué. Mais l’hiver, le climat plus doux permet d'envisager de nouvelles périodes de pâturages. La présence de parcelles sableuses proches des bâtiments viennent renforcer ce constat : l’herbe qui ne peut plus être pâturée l’été doit être pâturée l’hiver.

Pour l’essai, une parcelle a été divisée en deux : une partie réservée au pâturage strict et l’autre au bale grazing. Les deux parties ont-elles même été redécoupées pour permettre un pâturage tournant.

essai
Une petite vingtaine de jeunes Angus (environ 10 UGB) étaient présentes sur ces parcelles du 04/01/2023 au 18/02/2023.

Le foin en balles rondes aurait pu être déroulé manuellement par les éleveurs mais les balles pouvaient basculer comme sur la photo. Ils ont fini par ne plus les dérouler.

Image2

Impacts économiques

Image3

De manière attendue, le pâturage strict donne le coût alimentaire journalier le plus faible, suivie par le bale grazing. La stabulation donne le coût alimentaire le plus élevé.

Image4

Il est important de noter que les temps passés ont été calculés de deux façons différentes :

  • Pour les modalités bale grazing et pâturage hivernal, il s’agit de temps réels, mesurés pendant l’essai et qui comprennent donc des temps imprévus qui représentent plus de 10 % du temps total (clôtures qui cassent, problèmes d’abreuvoirs, etc. ...) mais aussi les temps de transition entre les tâches.

  • Pour la modalité stabulation, il s’agit d’une estimation du temps passé pour chaque tâche et qui ne comprend pas les imprévus (sans doute moins nombreux pour cette modalité), et les temps de transition. Il se pourrait que le temps passé pour la stabulation soit donc un peu sous-estimé. Cette hypothèse est appuyée par les retours des exploitants à la présentation des résultats : « Je suis étonnée, ce n’est pas le ressenti que j’ai eu pendant l’essai »

Image5

Pour pouvoir comparer les modalités, nous les avons rapportés sur une période de 28 jours : le temps que les animaux ont pu tenir sur la modalité bale grazing. Avec la même surface, les animaux tiennent 16 jours en pâturage strict auquel il faut donc ajouter 12 jours en stabulation.
D'un point de vue économique, les modalités "bale grazing" et "pâturage hivernal" ressortent plus intéressantes grâce aux baisses de charges mécaniques et du coût alimentaire, ce qui rappelle la phrase d’André Pochon : "La vache est un animal extraordinaire, elle a une barre de coupe à l'avant et un épandeur à l'arrière". Le temps passé pour ces deux modalités est en revanche plus important. Des économies d’échelle sur ce temps passé seraient sans doute envisageables avec plus d’animaux sur l’essai ou pour un essai plus long.

Conclusions et perspectives

Charlène et Thomas souhaitent poursuivre le pâturage hivernal qui correspond à leur stratégie de système économe en limitant le besoin de stock de fourrage à constituer et donc les besoins de mécanisation. Au-delà de l’alimentation, la conduite en bâtiment demande plus de mécanisation. Ils ont aussi apprécié l’aspect des animaux qui ont passé l’hiver dehors (aspect global, beau poil). Ils ont noté quelques points limitants :

  • Les abreuvoirs mobiles ne sont pas forcément bien conçus : les animaux les renversent en se grattant autour.
  • La difficulté de dérouler les balles de foin, selon le gabarit de la personne.
  • La difficulté d’appréhender correctement les surfaces nécessaires pour le pâturage hivernal et pour le bale grazing. Connaitre l’encombrement de l’herbe et des fourrages, le stock d’herbe sur pied, ainsi que la capacité d’ingestion des animaux permet d’estimer les surfaces nécessaires au pâturage pour un lot d’animaux donné.

Répéter le pâturage hivernal sur plusieurs années pourrait permettre d’améliorer l’efficacité de cette pratique sur la ferme. En ce qui concerne le temps de travail, il faut voir si la répétition de cette pratique ou sa généralisation sur la ferme peut diminuer le temps passé par vache. L’analyse des effets du pâturage hivernal sur la prairie reste à faire. Étant donné l’envie des éleveurs et l’intérêt de suivre les indicateurs sur plusieurs années pour confirmer ou constater des effets du pâturage hivernal, il serait possible de reconduire l’essai de façon à peu près équivalente à l'hiver 2024.

Pour avoir le compte-rendu détaillé de l’essai, c’est ici.

Le programme Reine Mathilde est un programme multi-partenarial dont l’objectif est de développer la filière laitière biologique en Normandie. Pour en savoir plus sur le programme, c’est ici.

 Image6