RCN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Oui vous avez bien lu, dans cet article on vous parle de pâturage de blé. Depuis plusieurs années, nos voisins d’Ile de France réalisent des essais de pâturage de blé au stade immature dans l’objectif de réduire la pression adventice au champ et stimuler la croissance et le tallage des céréales. Au vu de leurs résultats encourageants, un duo composé d’un éleveur de brebis et un céréalier ont décidé de faire un test sur 1 ha de blé cette année dans l’Eure.


Pourquoi faire un tel essai ?


Pour le céréalier, c’est la curiosité qui l’a poussé à tenter : « j’ai vu sur internet, sur un groupe Facebook ovin, que ça se faisait ailleurs, donc j’ai pris contact avec un éleveur ovin pour lui proposer de faire un test chez moi. »
Du côté de l’éleveur, l’objectif était de :
• Tester quelque chose de nouveau sur le territoire,
• Redécouvrir et partager une pratique ancienne (bergers de plaine),
• Diversifier les ressources fourragères en période hivernale.

Comment s’est déroulé l’essai ?

L’essai a été réalisé sur une parcelle de 1 ha de blé, semé début novembre 2020 (semis tardif), après un maïs ensilage. Il est prévu de ressemer un mais sur la parcelle l’année prochaine (après un couvert colza-vesce semé à la volée).


Au niveau de la conduite de la parcelle, elle n’a reçu aucun traitement (IFT=0) et a été fertilisée deux fois : 40 m3 de lisier de bovins au premier passage et 60 unités d’azote minéral au second passage début avril.
Le 06 février 2021, les brebis sont entrées sur la parcelle le ventre vide (plusieurs heures d’attente entre sortie du couvert et entrée sur le blé).
La parcelle a été divisée en paddocks (avec changement de paddock chaque jour) :
• Premier jour : 1150 m², pluie : 13 mn depuis la veille
• 2e jour : 1725 m² sur 26h, pas de pluie, tp°<0 (début de la vague de froid)
• 3e jour: 2205 m², pas de pluie, tp°<0
• 4e jour : 2550 m², pas de pluie, tp°<0


Pendant les 4 jours de pâturage, le piétinement par les brebis était l'un des points de vigilance. Pour l'éleveur, les traces de pattes de plus de 15 cm de profondeur étaient la limite à ne pas dépasser : " Pendant toute la durée du pâturage nous n’avons jamais constaté de trace de plus de 10 cm de profondeur.". Les deux premiers paddocks ont été pâturés en conditions humides sur des paddocks plus petits : ils ont donc été nettement plus marqués que les deux derniers paddocks (qui ont été pâturés après le début du gel donc en condition plus portantes).

 

pat ble (2)pat ble (1)

 

Blé après pâturage par les brebis :

 

pat ble (3)

 

 Etat du 2nd paddock juste avant de déplacer les brebis (le 3e paddock, pas encore pâturé se situe juste derrière)

Quels résultats ?

Des relevés avant moisson ont été faites sur la parcelle. La moisson ayant eu lieu plus tard que prévu initialement, les relevés ont été réalisés environ 1 mois avant la moisson (l’idéal aurait été de les faire quelques jours avant la moisson).
Les relevés ont été réalisés avec 4 répétitions sur différentes zones de la parcelle pâturée par les ovins et 4 autres sur le témoin (partie non pâturée).
Nous avons mesuré :
• Le moyen nombres de talles
• La hauteur du blé
• Le nombre et le poids des épis
Chaque répétition concerne 2 rangs sur 1 mètre

 

Résultats :

 

pat ble 2 (2)Différence de hauteur : à gauche le blé pâturé, à droite la bande témoin.

Le blé pâturé est en moyenne plus haut que le blé témoin (92cm en moyenne pour le blé pâturé et 85 cm pour le témoin). La différence était visible à l’œil nu en observant la parcelle.

Le pâturage du blé semble aussi avoir favorisé le tallage du blé : en effet, on a mesuré un nombre moyen de talle de 4 sur le blé pâturé, contre 3 sur la bande témoin. Ce plus fort tallage se traduit par un plus grand nombre d’épis sur la partie pâturée avec 174 épis par zone de mesure (2 rangs sur 1 mètre), contre 140 épis sur la bande témoin. Cependant la différence est moins importante lorsqu’on prend en compte le poids des épis : 293g en moyenne sur la zon pâturée contre 248g sur la bande témoin. Le plus grand nombre de talle sur la partie pâturée semble donc avoir été en partie compensée par un plus faible remplissage des grains.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En ce qui concerne les adventices, il n’y a pas eu de comptages réalisés. La parcelle pâturée était très hétérogène et ne permettait donc pas de faire le lien avec le pâturage.

pat ble 2 (1)

 

 

 

 

Photo de la parcelle au moment au 21/07/2021 : à gauche : autre parcelle (méteil) ; au milieu : bande témoin ; à droite : partie pâturée par les moutons.

Quel bilan peut-on en tirer ?

Tout d’abord, il ne faut pas oublier que c’est un essai sur un hectare, sur une année, avec des conditions spécifiques. Cet essai ne peut en aucun cas nous permettre de conclure sur les effets du pâturage de blé en toutes conditions. Mais pour le céréalier et l’éleveur, il leur a permis de se faire une première impression sur cette pratique :

Pour le céréalier :
« Quand après le premier jour de pâturage j’ai vu que la parcelle c’était de la boue j’ai eu un peu peur, mais je n’ai rien dit. Finalement c’est la partie la plus propre de la parcelle à la récolte. Il y a plus d’adventices sur la partie qui a été pâturée pendant le gel alors que pourtant c’est la partie qui était la moins abimée après le passage des animaux. Normalement c’est une parcelle homogène, alors que là on voyait une nette différence niveau adventices entre les deux parties.
En résumé j'estime à 60-63 quintaux à l'hectare pour le blé de pâturage mouton. Il a reçu uniquement 60 u d'azote chimique et 40 m3 de lisier. Je suis satisfait, il est meilleur que le blé témoin. A l’avenir il faudrait peut-être un désherbage mécanique c’est-à-dire un passage de houe rotative. »


Et pour l’éleveur :
« Je suis content car ce type d’essais permet de faire parler de cette pratique et peut-être à l’avenir de pouvoir développer de nouveaux partenariats avec des agriculteurs. Et ça nous permet d’apprendre car c’est des pratiques dont on entend parler sur Facebook, mais qu’on voit pas autour de nous. Quand on voit les essais faits par d’autres ça a l’air facile, mais quand on le met en place sur le terrain c’est différent. On tâtonne.
Pour les brebis, d’un point de vue alimentaire, c’était pas forcement idéal car il y avait pas beaucoup à manger, mais ça m’a permis d’allonger le temps de retour sur d’autres parcelles et donc de limiter le risque parasitaire. Peut-être à l’avenir il faudrait tester avec une culture plus développée. Mais il ne faut pas non plus pénaliser la culture. »

 

Cet article a été écrit à partir d'un essai de paturage de blé réalisé un éleveur du groupe GIEE en emergence "Aller collectivement vers des élevages ovins plus durables, économes, et autonome"

 

 ministere