RCN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On vous dit tout...

Les années se suivent et ne se ressemblent pas ! L’année dernière fin juin, il y a eu très peu de pluie sur le printemps, tandis que cette année les orages sont interminables. Les années sèches ou humides sont imprévisibles. Cependant, il est certain que les années atypiques avec des évènements climatiques extrêmes vont devenir courantes. Il est donc important que les prairies puissent s’adapter à ce changement pour être capables de produire malgré les aléas de la météo. Associer plusieurs espèces aux différentes caractéristiques est une réponse possible pour répondre à ce besoin. Mais quelles espèces associées ? Comment composer un mélange adapté à sa parcelle et ses objectifs ? Et comment réussir l’implantation d’une nouvelle prairie pour qu’elle dure ?

 

Cet article a été écrit à partir de résultats d’essais sur la ferme de Thorigné d’Anjou (https://hal.inrae.fr/hal-02636675/document), de la publication de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire « La prairie multi-espèces » ainsi que l’intervention faite par Patrice Pierre, de l’Institut de l’Elevage, à la formation « Implanter des prairies multi-espèces pour faire face au changement climatique » les 3 et 4 juin 2021.

 

prairies multiespeces 2

Prairie multi-espèces composée de RGA, TB, deux fétuques, fléole des près, paturin, lotier corniculé, sainfoin et plantain.
La fleur du sainfoin est visible au premier plan de la photo (fleur rose).

Des prairies multi-espèces pour répondre aux changements climatiques

La prairie multi-espèces associe généralement plusieurs graminées et plusieurs légumineuses. En France, après des années de domination de la prairie monospécifique, l’association graminée-trèfle blanc s’est largement imposée dès les années 80 (avec la fameuse prairie ray gras anglais/trèfle blanc d’André Pochon). Cette association permet en effet une production satisfaisante au pâturage dans des conditions pédoclimatiques favorables. Cependant, elle rencontre ses limites dans les zones moins favorisées ou lorsque les conditions climatiques sont moins favorables (notamment face aux sécheresses estivales).
Ainsi, depuis quelques années, la prairie multi-espèces connait un regain d’intérêt auprès des éleveurs et éleveuses de l’Ouest. Elle répond aux besoins de production sur une large période (tôt au printemps et tard à l’automne, voir en hiver) et d’un rebond rapide après un épisode de sec (repousse de l’herbe dès les premières pluies de fin d’été). Des essais réalisés sur la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou, ont comparé des prairies à 6-7 espèces et d’autres à 2 espèces, résultats : les parcelles plus diversifiées produisent 1,5 à 2 TMS/ha de plus ! (Voir l’expérimentation). Cette augmentation du rendement est principalement permise par une période de production plus longue (démarrage plus tôt au printemps et meilleure repousse à l’automne).

 

Prairies multi especes 1

Prairie multi-espèces implantée à l’automne 2019 et composée de RGA, TB, deux fétuques, fléole des près, paturin, lotier corniculé, chicorée et plantain.
La chicorée s’est bien développée dans le mélange et a permis de maintenir une bonne production estivale en 2020.

 

Choisir les espèces adaptées à sa parcelle

La première étape pour composer son mélange, c’est de se poser les bonnes questions :
• À quelle période, ai-je besoin d’herbe ? Tôt ou tard au printemps, en été ou à l’automne ?
• Comment la prairie va être exploitée ? En pâturage, fauche ou mixte ?
• Pour combien de temps l’implantation est prévue ? Est-ce une prairie en rotation ou permanente (si elle s’implante et vieillie bien).
• Dans quel type de sol ? Frais ou séchant, humide ou sain ?
• Sous quel climat ? Chaleur, sécheresse, gel…

Les tableaux ci-dessous présentent les espèces de graminées et légumineuses adaptées selon les caractéristiques de la parcelle. À partir de ce tableau, on peut déjà faire un premier tri et éliminer du mélange les espèces non adaptées.

 

 

 tableau especes adaptees1

 

 

tableau especes adaptees2

 

Source : ces deux tableaux sont issus de la présentation de Patrice Pierre (Institut de l’Elevage) à l’occasion de la formation
« Implanter des prairies multi-espèces pour s’adapter au changement climatique » les 3 et 4 juin 2021.

Associer les bonnes espèces entre-elles

Il n’est pas recommandé de mettre plus de 6 à 7 espèces différentes dans son mélange. En effet, des essais de l’INRAE montre que l’effet positif du nombre d’espèces n’est pas linéaire et « plafonne » lorsque le nombre d’espèces devient important (au-delà de 5-6 espèces). De plus, les mélanges à plus de 6-7 espèces sont généralement plus cher et contiennent plusieurs espèces « redondantes » du point de vue de leur rôle dans le mélange.
Une fois le nombre d’espèces fixé, il y a trois grands types de plantes à associer :
• Celles qui vont faire la production, le rendement, ce sont des grandes graminées ou légumineuses. Espèces concernées : dactyle, fétuque élevée, fléole, fétuque des prés, trèfle violet, luzerne, trèfle hybride.
• Celles qui garantissent la qualité du fourrage et permettent un bon fonctionnement de la prairie : les légumineuses (le « moteur azoté de la prairie »). Espèces concernées : les différents trèfles, la luzerne, le lotier, la minette, le sainfoin, etc.
• Celles qui vont combler les vides, permettent d’avoir un couvert dense et qui ne laisse pas de place aux indésirables. Ces espèces participent aussi au rendement et à la production, même si ce ne sont pas toujours les espèces les plus visibles dans le mélange. Espèces concernées : ray gras anglais, trèfle blanc, paturin des prés.

schema especes

 

schema gramines legumineuses

Source : Patrice Pierre, IDELE

Il est important lorsqu’on compose un mélange de s’assurer qu’on a bien au moins une espèce de chacun de ces trois types dans le mélange. Pour les légumineuses, il est recommandé d’en associer au moins deux différentes.

Définir la part de chaque espèce

Les différentes espèces de graminées et légumineuses ont des graines de taille et de poids différents. Il faut le prendre en compte au moment de composer son mélange. Plusieurs outils existent pour vous aider dans cette démarche, notamment l’outil en ligne d’herb’actif.
Au-delà de la taille, c’est aussi l’agressivité et la capacité de chaque espèce à s’implanter avant les autres qui va jouer un rôle clé dans la composition de la prairie. Deux espèces sont particulièrement agressives et difficilement sociables : le dactyle et le trèfle violet. Il convient donc de ne pas semer à trop forte dose ces deux espèces dans un mélange multi-espèces.
Le trèfle violet notamment se développe très bien et peut facilement devenir majoritaire dans un mélange (même avec un semis à 3kg/ha !). Cependant, au bout de 2-3 ans il disparait, et risque de laisser des trous dans le couvert. À terme, des espèces non désirées dans la prairie pourraient s’implanter. Le trèfle violet est donc plutôt à réserver pour les prairies de fauche. C’est pourquoi, pour une prairie pâturée dont le rendement serait à booster sur les premières années, il est recommandé de se limiter à 1-2kg de trèfle violet dans le mélange.
Le dactyle, est une plante sélectionnée pour son agressivité. Elle peut facilement prendre le dessus dans un mélange. Attention, elle est aussi peu sociable et a tendance à évoluer en « touffes » dans les prairies pâturées. Il est donc préférable de la réserver pour les prairies de fauche. De plus, c’est une espèce réputée résistante au sec et facile à sécher, elle est donc idéale pour le foin !

Bien choisir les variétés

Maintenant que vous avez choisi les espèces, reste à sélectionner les bonnes variétés. Voici quelques indications sur les critères variétaux des espèces prairiales :
La précocité : Il s'agit de la précocité d'épiaison pour les graminées et de la floraison pour les légumineuses. Il ne faut pas confondre cette notion avec le démarrage en végétation. Il est conseiller de grouper les dates d’épiaisons des différentes graminées du mélange pour plus de facilité d’exploitation.
Le démarrage en végétation : Il correspond à la reprise de la croissance printanière. Il est défini dans les essais officiels par une hauteur d’herbe de 20 cm pour le RGA et 25 cm pour les autres graminées (feuilles tendues).
L’alternativité : Une variété alternative est une variété qui n’a pas besoin de froid hivernal pour induire sa montaison. À l’inverse, lorsqu’une variété non alternative est semée au printemps, on obtient des pousses feuillues le 1er été. Cela concerne principalement le ray gras italien. En fin d’été, il faut choisir un RGI alternatif qui permettra de récolter avant l’hiver en cas de semis hâtif ou de faire une récolte printanière en cas de semis plus tardif.
La remontaison : Une variété remontante produit des épis plusieurs fois la même année. Une variété non remontante n’épie au maximum qu’une fois dans l’année.
La souplesse d'exploitation : C'est l'intervalle de temps compris entre le départ en végétation et le stade de début d’épiaison. Plus une variété est souple, plus la possibilité de la faire pâturer au 1er cycle est longue. Le déprimage est le pâturage réalisé entre le démarrage en végétation et le stade épi à 10 cm ; il affecte peu la montée en épis. Le pâturage réalisé après le stade épi à 10 cm conduit à des repousses feuillues sur les variétés non remontantes.
La pérennité : Elle correspond au nombre d'années durant lesquelles la plante demeure présente dans la prairie. Certaines espèces seront considérées de bonne pérennité en raison de la persistance de leur appareil végétatif durant plusieurs années. Des espèces annuelles ou bisannuelles pourront être considérées de bonne pérennité si elles sont capables de se maintenir plusieurs années au sein du couvert végétal en se resemant naturellement.
La ploïdie : Chaque espèce présente un nombre de chromosomes ”n” qui lui est propre. Toutes les espèces comprennent des variétés diploïdes (appelées 2 “n”) chez lesquelles chaque chromosome est en double. Certaines espèces comprennent aussi des variétés tétraploïdes (appelées 4 “n”) chez lesquelles chaque chromosome est répété en 4 exemplaires. Dans le cas des RGA, les variétés tétraploïdes ont une plus faible teneur en matière sèche, des graines et tiges plus grosses, ainsi que des feuilles plus larges et longues. Les variétés tétraploïdes sont souvent mieux adaptées à la pâture (pour les ray-grass) mais les diploïdes sont moins sensibles au piétinement. Les plantes tétraploïdes sont également d’une manière générale souvent plus résistantes aux accidents (maladies, climat…).
L'agressivité : Les espèces les plus agressives sont généralement caractérisées par une installation et une vitesse de pousse rapides. En conditions agronomiques favorables, de telles espèces ont tendance à concurrencer et à dominer les autres espèces de la prairie, parfois jusqu'à les faire disparaître.
La capacité de recolonisation : Les espèces à stolons ou à rhizomes ont des capacités très fortes à recoloniser l'espace et à garnir les “trous” qui peuvent apparaître lorsque la prairie vieillit.

Pour la fétuque élevée, un autre critère variétal à regarder est la souplesse des feuilles (pour s’assurer de son appétence).
Pour vous aider dans votre choix, vous pouvez consulter l’Herbe book, la base de données en ligne des variétés fourragères.

 

Quelques exemples de mélanges multi-espèces

Les techniciens du groupe prairies de la Chambre d’Agriculture des Pays de Loire ont construit, d’après leur expérience, un tableau de proposition de mélanges d’espèces à choisir en fonction du type de sol, de l’objectif de la prairie et de ses caractéristiques. Découvrir plus d’info sur le travail de groupe.

 

mode exploitation

 

 

Réussir l’implantation de la prairie

À quelle densité semer ?
Une prairie est considérée comme bien installée entre 600 à 800 plantules au m². Il faut semer environ 4 à 5 fois plus de graines pour s’assurer de la bonne implantation. Cela correspond à des mélanges semés entre 25 et 28 kg/ha. Ne pas semer des mélanges au-delà de 30 kg/ha, à cette densité il y a forcément du gâchis !

Réussir le semis
La réussite de l’implantation d’une prairie comprend toujours une part d’aléa, notamment lié à la météo : pluies en abondance ou non, températures basses ou élevées, etc. Cependant, il y a plusieurs points auxquels il est important de faire attention pour mettre toutes les chances de son côté :
• Semer sur un sol propre ;
• Préparer un lit de semences fin, émietté en surface et appuyer en profondeur (« on doit pouvoir rouler dessus à vélo ! ») ;
• La prairie se sème peu profond (1cm maximum !) ;
• Semer la prairie à la volée (bottes relevées si semoir à céréales) : plusieurs essais ont montré que le semis à la volée permettait une meilleure levée et moins de salissement de la prairie par rapport au semis en ligne.
• Appuyer énergiquement après le semis (pour favoriser le contact sol-graine et donc permettre une bonne levée)

 

Labour ou non labour ?
La prairie peut être semée sans labour, en semis direct, à condition que la parcelle soit propre et le sol bien nivelé. Un ou deux coups de rouleau lisse suffiront ensuite, sinon préférer le labour. En terre lourde, une reprise au rotalabour seul, puis deux ou trois passages avec rotalabour et cultipacker assurent un lit de semence fin, tassé et bien nivelé. Par rapport au vibroculteur, le cultipacker présente l'avantage de ne pas sortir les cailloux. En savoir plus

Semer ses prairies sous couverts de céréales à l’automne

Sécheresses qui persistent en septembre, journées caniculaires : les conditions climatiques sont de plus en plus limitantes pour implanter des prairies à l’automne. Cependant, il est possible de décaler la date de semis d’un mois et de contrôler le salissement de la prairie grâce au semis sous couvert !
Pour plus d’informations sur cette pratique, consultez la page : Semer des prairies sous couvert de céréales d’hiver pour sécuriser l’implantation

Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier…

Malgré toutes les précautions prises et une vigilance accrue, il y aura toujours un écart entre ce qui fonctionne sur le papier et la réalité. Cette différence est liée à la parcelle, qui pour des raisons non maitrisables, est plus ou moins favorable à une espèce. De plus, la météo de l’année du semis et d’autres aléas peuvent jouer un rôle important dans la réussite ou l’échec de l’implantation.
C’est pourquoi, si vous souhaitez réimplanter plusieurs prairies, il est toujours préférable de le faire en plusieurs fois. L’idéal est même de tester le mélange que vous aurez choisi sur 1 ou 2 ha. Observez comment le mélange s’implante au bout d’un an afin de pouvoir l’adapter pour les prochains semis.