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Comment limiter l’apparition de résistances aux vermifuges des strongles gastro-intestinaux chez les bovins ?

Lors des Prairiales le 13 juin dernier au Haras-du-Pin dans l’Orne, nous avons eu l’occasion d’échanger sur l’apparition des résistances aux antiparasitaires, et les moyens de les éviter.

Tout d’abord, un constat rapide : dans l’Ouest, on observe une résistance des strongles gastro-intestinaux à l’Ivermectine dans un élevage sur huit, et une résistance à la moxidectine dans trois élevages sur 8. Ces deux antiparasitaires appartiennent à la famille des lactones macrocycliques. Il existe deux autres familles d’antiparasitaires, pour lesquelles nous n’avons pas les résultats.

Comme il n’existe pas une infinité de vermifuges efficaces, il est donc capital d’éviter l’apparition de ces résistances.

Quels sont alors les facteurs de risques de la sélection de populations de strongles résistantes ?

L’utilisation de vermifuges de la même famille sur tous les animaux et de façon importante tue tous les strongles « sensibles aux vermifuges », mais sélectionne ceux qui sont résistants, qui se développeront d’autant mieux au cycle suivant. C’est la même chose pour les vermifuges rémanents ou les bolus qui, en plus, empêchent la création d’une immunité par l’animal.

Que faire alors pour éviter une pression parasitaire trop importante, et pour gérer la résistance aux vermifuges ?

1- Tout d’abord, il y a des leviers en non chimique pour limiter la pression, et l’animal peut potentiellement y faire face seul.

L’animal se crée une immunité contre les strongles au bout de 8 mois de Temps de Contact Effectif (TCE) avec le parasite, soit deux saisons de pâturage. Ce temps de confrontation avec un peu de strongles est nécessaire pour qu’il développe son immunité, mais il faut veiller à ce que la pression reste gérable pour l’animal.

Trois leviers simples pour limiter la pression des larves :

  • Le pâturage tournant des jeunes permet de limiter la multiplication des parasites. Tourner sur 3 parcelles divise la pression parasitaire par 5 à 10, comparé à du pâturage continu.
  • Ne pas faire pâturer les jeunes trop ras car les parasites sont principalement dans les premiers centimètres (viser 6-7 cm de sortie, par exemple).
  • Le passage de bovins adultes sur les parcelles des jeunes réduit la population de larves, car ils avalent plus d’œufs de parasites qu’ils n’en bousent (ils ont vécu leurs 8 mois de Temps de Contact Effectif, ils sont immunisés, les strongles n’arrivent pas à faire leur cycle en entier). Les parcelles réservées aux jeunes sont donc à éviter.

2- Il faut évaluer la menace avant de traiter, par des coprologies ou sérologies. Est-ce nécessaire de traiter ? Sur quels animaux ?

Les éleveurs repèrent facilement les animaux qui ont « un mauvais poil » en été et/ou qui souffrent de diarrhées.

Dans un même lot, certains animaux seront plus fragiles face aux strongles. Il est donc important de les aider à y faire face, notamment en utilisant des vermifuges. Mais ces traitements doivent être effectués au cas par cas !

Dans ces cas-là, avant un traitement systématique, une coprologie (analyse des parasites des bouses, sur un mélange de plusieurs bouses pour un lot) permet d’estimer la pression. La coprologie est pertinente de juin à septembre sur les jeunes de première et de deuxième année.

Quels sont les seuils d’alerte ?

  • S’il y a moins de 50 œufs par gramme (opg) : inutile de traiter. On peut même se demander si les animaux ont suffisamment été en contacts avec les strongles…
  • S’il y a moins de 500 ou 2000 œufs par gramme, quelques animaux peuvent être ou sont en difficulté dans le lot : il faut traiter uniquement les moins beaux.
  • Au-delà de 2000 œufs par gramme, la pression est trop forte. Il faut traiter tout le lot, et revoir la gestion du pâturage !

Attention, les coprologies pour les strongles ne sont plus valables à partir de novembre, car les larves entrent en dormance dans l’animal et arrêtent de pondre. C’est l’analyse des pepsinogènes sanguins (prise de sang) qui permettra d’évaluer la menace. Suite au prochain épisode !

En résumé, pas de « traitement préventif » à la mise à l’herbe ou de bolus, pour que l’animal puisse se confronter au parasite et développer progressivement son immunité ; une gestion du pâturage adaptée ; des analyses pour évaluer la menace ; et un vermifuge uniquement si nécessaire. Ainsi, dans le groupe du Pays de Bray, suite aux analyses effectuées par les éleveurs sur les lots de génisses, la moitié des troupeaux n’avaient pas besoin de vermifuges. Autant de traitements évités, d’économies réalisées, et de baisse du risque d’apparition de résistances !


Sources : 

  • « La résistance aux anthelminthiques chez les bovins », panneau présenté lors des Prairiales 2019 au Haras du Pin
  • Formation Parasitisme avec le vétérinaire Jean-Marie Nicol en décembre 2018 et janvier 2020 dans le Groupe Herbe du Pays de Bray