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Témoignage de Christophe Davy, éleveur laitier.

Analyse des lactofermentations pour comprendre les problèmes sanitaires d’une ferme en élevage bovin lait : le témoignage de Christophe DAVY du groupe ARADEC. Christophe Davy, éleveur laitier du Groupe ARADEC (Bocage Ornais) nous partage les problèmes sanitaires rencontrés sur sa ferme et les réponses apportées par des analyses de lactofermentations.

 

Comment as-tu connu la lactofermentation ?

Depuis que je suis installé, il y a maintenant plus de 20 ans, je n’ai cessé d’avoir des problèmes sanitaires, en plus des épi zootomies que le monde agricole a dû subir (vache folle, FCO, etc…). J’ai effectué aussi quelques modifications et constructions sur la ferme qui créent, inévitablement, des perturbations sur les animaux et notamment, dans les deux années qui ont suivi les travaux.
Je suis passé par beaucoup de pathologies à commencer par des problèmes de cellules (j’ai eu 2 plans cellules et suis dernièrement en mesure d’alerte). Celles-ci mettaient principalement le staphylocoque doré, qui, lorsqu’il est implanté, ne permet pas le développement d’autres germes. Ce sont donc des mammites sub-cliniques, avec peu de signes visuels, mais latents, et qui oscillent de mois en mois. J’ai eu la paratuberculose, le BVD, des avortements suite à la néosporose, des problèmes sur les veaux de strongles digestives, et pulmonaires, quelques cas de bronchite vermineuse, etc… Et depuis 2020, un nombre important de vaches touchées par la roussette dont 3 sont déjà mortes sans que l’on puisse faire quoi que ce soit, car il n’y a aucun traitement. Cette maladie serait due à l’ingestion de fougère qui crée des nécroses tumorales sur la vessie. Toutes ces pathologies interviennent alors que depuis 20 ans, je n’achète plus d’animaux. Je constate aussi une dégradation des sols (présence excessive de mousse), qui subissent les sécheresses à répétition, mais aussi l’épandage de lisier depuis 15 ans. Ce même lisier qui est composé de tous les produits de lavage de la salle de traite, qui restent des produits, qu’on le veuille ou non, toxiques.
Dans un tel environnement, les organismes vivants (animaux, sol, plantes, et on pourrait dire aussi l’homme) sont mis à rude épreuve. Mais j’ai toujours pensé que ces pathologies n’arrivaient pas par hasard et qu’il fallait trouver pourquoi. Cela fait maintenant 6 mois que, à la suite de l’achat d’un dynamiseur d’eau, j’ai fait la rencontre de Mr Berthet, qui est responsable d’un laboratoire en Haute Savoie et qui travaille depuis plus de 40 ans sur les lactofermentations dans les fermes. Nous avons effectué des analyses de lait et de bouses sur quelques vaches et sur du lait de tank pour connaître la problématique microbienne. Celles-ci ont révélé que j’étais dans une situation très dégradée.

En quoi la lactofermentation peut aider à comprendre l'origine de certains problèmes sanitaires ?

La lactofermentation est tout d’abord une méthode ancestrale puisque les Suisses l’utilisait déjà au 17ème siècle pour la fabrication du fromage. Elle était empirique et se faisait sur l’observation des caillés et des odeurs de ces derniers. Cette méthode peut continuer à être utilisée, et le microscope permet aujourd’hui d’analyser les types de bactéries et de comprendre leurs interactions. Ainsi, on peut distinguer deux types de flores bactériennes :

  • La flore symbiotique ou biogène qui est constituée des lactobacilles et des lactocoques. Il est important que ces deux flores soient équilibrées.
  • La flore indésirable (coliformes levures, moisissures anaérobie) ou pathogène (staphylocoque, listéria, entérocoques, C2)

En clair, plus il y a de déséquilibre dans la flore symbiotique (entre les lactocoques et les lactobacilles) et plus la flore pathogène est favorisée. L’enjeu est donc de maintenir la bonne flore du sol jusqu’au produit fini !

Quelles évolutions as-tu rencontrées sur 6 mois ?

Mr Berthet, avec qui j’ai eu plusieurs entretiens depuis 6 mois, a suivi le troupeau à distance et nous avons mis en place un protocole de traitement homéopathique sur l’ensemble du troupeau, ainsi que sur le compost.
Un deuxième prélèvement a été analysé sur la même vache qu’il y a 6 mois, du lait de tank, une analyse de sol, de litière, de lisier afin d’étudier l’évolution des 6 derniers mois.
Il en résulte une diminution des lactocoques et un rééquilibrage avec les lactobacilles (même si celles-ci sont en nombre insuffisant), et surtout une diminution, voire disparition de bactéries indésirables comme les levures, les C2 et les staphylocoques sur les échantillons de lait et une diminution très nette des moisissures, des coliformes et des entérocoques sur la bouse d’une vache.
Les vaches ont dans l’ensemble passé l’hiver plutôt en bon état. Je rationne, mais je fractionne pour éviter une ingestion trop rapide. Le foin est de très bonne qualité (encore vert) et l’enrubannage l’est aussi. Le seul « hic », sont les cellules très élevées. D’autant plus qu’avec le froid du début février, je me suis mis à la monotraite. Dans le comptage vache par vache, je me rends compte en fait que seules 5 vaches « plombent » le tank. Celles-ci sont mises à part, le temps que les vaches taries vêlent d’ici mi-mars et fassent remonter le niveau de lait dans le tank.

Comment vois-tu la suite ?

Je compte travailler le lisier et le sol avec des préparations homéopathiques pendant les 6 prochains mois et continuer à traiter les animaux mais de façon plus fractionnée.
Je vais aussi revoir mon pâturage et éviter de trop raser les prairies au deuxième passage. Je vais surtout laisser le temps suffisant à la plante pour pousser : elle doit absolument contenir de la cellulose pour être transformée en caséine. Une herbe trop azotée peut être un facteur de déstructuration de cette dernière.
En conclusion, depuis 6 mois, je me remets à penser paysan. C'est-à dire que je commence à entrevoir un avenir beaucoup plus durable, sain et serein où j’entrevois de moins élever pour mieux faire vieillir mon troupeau. Le printemps arrive, certes, mais c’est l’avenir de la ferme qui se joue aussi.


PS : pour la petite histoire, j’ai fait faire une analyse de lactofermentation de mon cidre, car je trouvais que celui-ci avait une fermentation lente. J’ai eu l’explication lors des résultats : c’était dû à un excès de moisissures au détriment des levures, qui elles sont quasiment absentes…. Bref, encore une autre piste de travail !