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Association céréales-protéagineux : produire ses concentrés pour réduire ses coûts

meteilsLes mélanges céréales-protéagineux, aussi appelés méteils, consistent à semer une ou plusieurs espèces de céréales à paille (blé, triticale, avoine, orge, épeautre, seigle…) avec une ou plusieurs espèces de protéagineux (pois, vesce, féverole…). Cette technique n'est pas nouvelle : dans les années 50 c’était une pratique courante dans les fermes pour nourrir le bétail. Quels sont les intérêts de ces mélanges ? Comment les mettre en place et les valoriser sur sa ferme ?

Cet article a été écrit à partir de résultats d’expérimentations (notamment sur la ferme de Thorigné d’Anjou), de guides techniques (voir partie « Pour aller plus loin ») et de l’intervention faite par Bio en Normandie (BEN) à la formation « Cultiver des méteils grains - Faire ses propres concentrés » le 4 juin 2020.

 

 

 


Une association céréales-protéagineux : pourquoi ?

Les céréales et les protéagineux sont complémentaires, et ce, pour de multiples raisons :meteils3

  • Le mélange de plantes de familles différentes (graminées et légumineuses) permet de limiter le développement des ravageurs et maladies sur chacune des deux familles. On observe moins de pucerons sur les légumineuses. Les céréales jouent le rôle de tuteur pour les légumineuses, ce qui facilite leur récolte. La céréale et la légumineuse ont des systèmes racinaires différents (la céréale a des racines fasciculées et la légumineuse un système pivotant), elle n’explore donc pas les mêmes parties du sol, ce qui limite la concurrence dans la recherche de nutriments. Cela contribue également à une meilleure structuration du sol.
  • Les légumineuses captent l’azote de l’air grâce à l’association symbiotique bactérienne nichée dans leurs nodosités. Bien qu’elles ne fournissent pas directement l’azote aux céréales, elles en prélèvent moins dans le sol que les céréales et laissent donc plus d’azote disponible aux céréales.
  • La présence de féverole dans le mélange favorise un meilleur taux de protéines dans les céréales.
  • La légumineuse produit des sucres qui nourrissent les bactéries, ce qui permet de nourrir le sol ce qui enrichit le microbiote du sol. Cela permet ainsi une bonne vie du sol, ce qui est aussi bénéfique à la céréale.
  • Attention cependant à ne pas (ou pas trop, selon le mélange semé) fertiliser ces parcelles : l’azote minéral pénalise
    le développement des bactéries fixatrices d’azote !

 


Les mélanges céréales/protéagineux permettent donc de faire des économies : diminution des intrants (car moins de pression des maladie et ravageurs) et des économies sur la fertilisation (grâce aux protéagineux). Produire ses concentrés coûte 4 fois moins cher que d’en acheter ! Et tout en restant relativement peu gourmand en temps de travail grâce à des itinéraires techniques simples.


Au-delà des économies directes permises par ces mélanges, les associations céréales/protéagineux constituent aussi de bons précédent de cultures et favorise une bonne vie du sol ce qui sera bénéfique pour le reste de la rotation. Ce sont, de plus, des mélanges faciles à positionner dans une rotation : après une prairie, après un protéagineux, mais aussi en deuxième paille. Elles peuvent facilement se positionner en fin de rotation, y compris sur des parcelles un peu « sales » car les méteils supportent plus facilement le salissement que des cultures en pur.

Produire ses concentrés grâce à des mélanges céréales/protéagineux permet d’améliorer son autonomie en protéines, et de sécuriser son système fourrager en diversifiant les fourrages. La teneur et l’équilibre en MAT et énergie dépendra directement des espèces semées et de leurs proportions dans l’association, ainsi que du stade de récolte.

Certains mélanges céréales/protéagineux peuvent être aussi bien ensilés que moissonnés, ce qui permet une souplesse dans la gestion des cultures fourragères. Ce sont donc des associations souples permettant de s’adapter : si la parcelle se salit trop, on peut faucher et ensiler ou enrubanner, afin de garder une parcelle propre et ressemer ensuite.

L’objectif est de récolter tôt le mélange (fin juin-début juillet), avant la sécheresse estivale, ce qui permet une récolte moins pénalisée par rapport à des cultures d’été comme le maïs ensilage. Cela permet également le semis d’une dérobée fourragère derrière.

Quels mélanges semés ? Quels critères regarder ?


Il y a plusieurs critères à regarder pour choisir les espèces à semer :

  • L’objectif du mélange : recherche d’un mélange à récolter en grains ? en ensilage ? ou riche en protéine ? riche en énergie ?
  • Le contexte pédoclimatique de la parcelle
  • Les cycles des espèces semées ; vérifier qu’ils sont bien compatibles (car tout sera récolté au même moment)
  • La complémentarité des espèces en termes de besoins (azote, eau, etc.)


Le tableau suivant présente les avantages, inconvénients et points de vigilance des principales céréales (en orange) et protéagineux (en vert).

Espèces Avantages Inconvénients/points de vigilance
Triticale
  • Productif
  • Bon rendement en paille (meilleur que le blé)
  • Tuteur solide
  • Couvrant
  • Barbes
  • Risques d’acidose
Epeautre
  • Les glumes restent
  • Moins de risque d’acidose, notamment pour les veaux
  • Il existe un marché en alimentation humaine
 
Blé
  • Productif en bonnes terres
  • Haute valeur alimentaire
 
Avoine
  • Bonne production de paille
  • S’adapte très bien en sol difficile
  • Très bonne structure du sol derrière
  • Adapté à l’ensilage
  • Couvrant
  • Moins riche en énergie
  • Sensible à la rouille
  • Très étouffant et allélopathique à attention à la dose au semis !
Orge
  • Plus résistant aux maladies du pied
  • Tolérant à la sécheresse
  • Faible risque d’acidose
  • Maturité précoce à il faut l’associer avec une légumineuse qui se récolte tôt (pois protéagineux d’hiver - variété Dove par exemple)
  • Peu adapté à l’ensilage
  • Sensible à la jaunisse (mais il y a des variétés plus résistantes)
  • Valeur alimentaire moyenne
Seigle
  • Monte très haut, excellent tuteur
  • Très bon rendement en paille
  • Rustique
  • Adapté à de petites terres, sols acides
  • Permet de doper le rendement du mélange (selon des résultats d’expérimentation à Thorigné d’Anjou)
  • Ne supporte pas l’hydromorphie.
Pois fourrager (variétés : Assas, Picar, Askta)
  • Bonne productivité
  • Bonne appétence
  • Floraison continue : fait beaucoup de vert et donc sensible au verse à besoin d’un tuteur solide. Ne pas dépasser plus de 20 pieds/m2 (contre 220 grains/m2 de céréales).
  • Conséquence :  le taux en protéine du mélange est limité.
  • A associer avec du triticale pour le tenir.
Pois protéagineux (variété Dove)
  • Floraison déterminée : vert limité à proportion non plafonnée (donc plus de protéines dans le mélanges)
 
Vesce
  • Le meilleur taux en protéines
  • Adapté à l’ensilage
  • Bonne production et appétence
 
Féverole
  • Tige rigide
  • Bon taux de protéines
  • À semer à plus de 5 cm de profondeur (sensibilité au gel et à la sécheresse)
  • Féverole d’hiver à semer plus profond par rapport à la féverole de printemps
  • Semis en deux passages (car pas la même profondeur de semis que la céréale)
  • Salissant
  • Pas adapté à l’ensilage
Lupin
  • Très bon taux en protéines
  • Tige rigide
  • Pour l’instant très peu d’agriculteurs en font dans le 76, donc peu de retours d’expérience.
  • Perd ses feuilles tôt, donc salissant
  • Problème de maladies
  • Intolérant au calcaire actif
  • Sensible au froid

 

Le choix du mélange dépend de son utilisation finale. Pour un emploi en fourrages, on favorise généralement des associations triticale, pois fourragers, vesce ou avoine. Pour une utilisation en grains, les pois protéagineux, féveroles, le triticale et le blé sont à privilégier.

Des essais de méteils grains à partir d’orge, pois protéagineux, féverole et triticale avec différentes modalités de densité et de mélanges ont été réalisé dans le Pays de Bray dans le cadre du projet Reine Mathilde. Pour en savoir plus sur les premiers résultats de cet essais, rendez-vous à la porte ouverte aux Champs de Bray (Avesnes en Bray) le mercredi 16 septembre.

À noter que quatre paramètres jouent sur la composition du mélange :

  • La date de semis : un semis tôt (ex. 15/10) favorise les protéagineux, un semis tard (ex. 15/11) favorise les céréales.
  • La disponibilité en azote : éviter tout ce qui laisse des gros reliquats azotés, au risque de ne pas voir de protéagineux s’implanter. Exemples de précédents à éviter: prairie, lin, patates, luzerne. Privilégier un semis après céréales.
  • L’agressivité : par exemple un pois fourrager est plus agressif qu’un pois protéagineux. L’avoine et le triticale sont également agressif, il faut donc contrôler les doses !
  • La météo, bien sûr ! Un printemps chaud et humide favorise les protéagineux, tandis qu’un printemps froid et sec favorise les céréales.

Le semis peut se faire en un ou deux passages, selon le mélange semé et la période de semis. Pour vous guider dans votre choix de mélanges et votre itinéraire technique selon vos objectifs, voici une fiche technique (cliquez ici).

 

Quelques exemples de méteils éprouvés par les éleveurs de notre réseau :

  • Pois (16kg) + triticale (104 kg) + blé (36kg) + avoine (20 kg) ; labour + semis le 02/10 ; déchaumage à disque la veille ; déchaumage à dent le 25/10 + 10/09
  • Orge (40kg) + avoine (50kg) + épeautre (13 kg) + semences paysannes de blé (27 kg) semis le 29/10 combiné à herse
  • Triticale (50 kg) + avoine (50 kg) + pois (40 kg) + vesce (10 kg) + fèverole (30 kg)  (en 2018)  // Triticale (60 kg) + avoine (30 kg) + pois (20 kg) + vesce (10 kg) + fèverole (50 kg) ; semis combiné le 20/10 après labour ; déchaumage à dent 05/09 et le 05/08 (en 2019)
  • Féverole (50 kg) + pois (50 kg) + vesce (20 kg) +avoine (10 kg)   (en 2018)  // triticale (60 kg) + pois (25 kg) + vesce (10 kg) +avoine (10 kg) ; semis le 08/10, passage de herse rotative avant,  et roulage le lendemain ; labour 7 jours avant le semis et déchaumage encore 1 jour avant (en 2019)
  • Orge d'hiver (80 kg) + pois (50 kg) ; semis le 25/10 combiné à herse rotative (avec déchaumage 2 mois avant, idem 1 mois avant,  fumier 10 jours avant, canadien 7 jours avant et labour la veille du semis)
  • Triticale(100kg) +  féverole (100kg) ; semis le 03/11 combiné à herse rotative (avec déchaumage 1 mois avant , et labour la veille du semis)
  • Triticale (130 kg) + pois (35 kg) ; semis le 27/03 ; herse étrille la veille, herse rotative en novembre et labour 2 jours avant
  • Triticale (125 kg) + pois (17 kg) ; semis le 03/11 après labour ; récolte le 24/07

 

Il est aussi possible de semer une prairie sous couvert d’un méteil. Cette technique présente plusieurs atouts : un seul travail du sol pour deux semis (réduction du temps de travail et consommation de carburant), une récolte en méteil au printemps qui permet de faire des stocks, des prairies bien implantées (peu d'adventices) qui permettent une exploitation de l’herbe une fois le méteil récolté. Plus d’info sur cette pratique et les erreurs à éviter sur ce lien.


Quelques conseils pour une récolte en ensilage

Selon les résultats d’essais réalisés sur la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou, l’association triticale-pois fourrager-vesce (doses de semis : 290g/m2/15g/m2/15g/m2) donne de bons résultats en termes de rendement (10.6 tMS/ha sur le station expérimentale) et valeur nutritive (0.75 UFL pour 58 PDIN et 64 PDIE ; 9.5% de MAT). De plus, la variabilité de productivité sur les trois années de l’essais est faible pour ce mélange. L’avoine ne semble pas présenter d’intérêt lorsqu’elle est ajoutée au mélange tandis que le seigle permet de doper significativement le rendement (13.5 tMS/ha obtenu sur la station expérimentale), mais doit être implanté dans des sols peu hydromorphes. Le seigle est cependant pénalisant en valeur alimentaire par kg de MS distribuée (du fait d’un effet dilution par le rendement et une plus grande concurrence avec les protéagineux).


En conclusion de l’étude : « Ce fourrage s’est imposé, depuis plusieurs années, comme le pivot des rations hivernales distribuées sur la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou. Les conditions climatiques des dernières années ne font que renforcer son intérêt ce qui lui confère un bel avenir sur le site ! »


Pour une récolte sous forme d'ensilage, il faut viser 30-35 % de matière sèche (idéalement entre 32 et 34%) afin d'assurer une bonne consommation et ingestion du mélange par les animaux. Cela correspond généralement à un stade laiteux-pâteux de la céréale (fin juin-début juillet). Les céréales évoluent plus rapidement que les protéagineux. L’écart est d’environ 10% de MS. C'est pourquoi, la récolte doit intervenir à environ 35% de MS pour la céréale et à 25% pour le protéagineux si le mélange est de 50-50.


Pensez à bien tasser le mélange (du fait des tiges creuses des céréales). Selon les résultats d’expérimentations réalisés sur le ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou, l’utilisation de conservateurs n’est pas indispensable : c’est un tassement irréprochable qui sera gage d’une bonne conservation. A noter que la richesse en azote freine l’acidification : il faut donc avancer vite : 15 cm/jour en hiver ou 25 cm/j en été dans le tas d’ensilage.


Quels rendements en Normandie ?

 

meteils2D’après l’observatoire des rendements des agriculteurs bio (données de Bio en Normandie, BEN), les rendements observés en Normandie sont les suivants :

  • Méteils de printemps 2019 : 39 q/ha (variabilité de 25 à 45 q/ha)
  • Méteil d’hiver 2019 : 42 q/ha (variabilité de 15 à 65 q/ha).
  • Méteil hiver (moyenne sur 17 ans) : 42 q/ha (de 32 à 53 q/ha).

 

A noter, que les méteils d’hiver sont plus stables d’une année sur l’autre, ils sécurisent.


Ces données sont issues de l’enquête annuelle des rendements réalisée par BEN depuis 2002. Pour participer à cette enquête et contribuer à la parution de données représentative de votre territoire en 2020, vous pouvez contacter Maddalena Moretti - .

 

 

 


Pour aller plus loin :

  • Guide technique « Sécuriser son système fourrager grâce aux associations céréales protéagineux (CERPRO) fourragères » : voir.
  • Du méteil grain pour les ovins : voir
  • Principes techniques pour conduire une association céréales-protéagineux, pour une récolte en grains en agriculture biologique : voir